L’histoire de la diffusion des musiques jamaïcaines en Europe passe immanquablement par la création des labels indépendants. Impulsé en Angleterre par la génération post-choc pétrolier de la seconde moitié des années 70, cet embryon de création artistique autonome voit plusieurs mouvements musicaux et vestimentaires typiquement urbain se muer en porte-parole de la contestation populaire. Leurs principaux modèles sont les artistes américains et caribéens qui véhiculent les idées des libertés fraîchement expérimentés une 10aines d’années plus tôt au USA par le ‘’mouvement des droits civiques’’ (issus de la communauté noire, latino et indienne) et en Angleterre essentiellement par les migrants jamaïcains (après l’indépendance des colonies et protectorats britanniques). C’est dans ce melting-pot culturel que les jeunes européens redécouvrent la rage d’une résistance vouée à la création artistique, contre les tenants du néo-libéralisme naissant et du totalitarisme vieillissant. Aljama Discs est un des fruits de cet arbre aux multiples greffes qui diffuse tout le spectre des musiques d’inspiration afro.

La 1ère réalisation de ce label nord catalan est un album de dub, exclusivement sortis en pré-LP pour les dj’s et radio locales en 1977. Une pièce de dub unique en son genre puisque issue de l’album roots/reggae/jazz du tromboniste Rico Rodriguez Man from Warieka (sortie en 1976 sur Blue Note aux USA et Island en Europe). Inutile de s’étendre sur la carrière de ce prolifique instrumentiste jazz qui participe de toutes les aventures en Jamaïque comme en Angleterre (on le retrouvera plus tard au sein de la formation The Specials). L’album éponyme In duB ne sera jamais commercialisé en raison des différents qui éclatent entre Rico Rodriguez et le label de Chris BlackwellIsland… Notons la présence à la basse de Robbie Shakespear, dans les chœurs de I Jah Man et à la trompette de Bobby Ellis, pour ne citer au hasard que quelques uns des mentors du courant roots/rock/reggae. Raison de plus pour se procurer cette œuvre édité à un tirage limité, qui restitue une qualité sonore exceptionnelle pour un album de dub jamaïcain produit par Karl Pitterson et enregistré au studio ‘’Joe Gibb’s et Randy’s’’

Autre réédition du cru : un 45 tours sur le label Lava (Aljama ed.), avec un titre early reggae de Dave Barker et Ansel Collins ‘’Heavy boomerang’’ et une face B instrumentale collector car non crédité.

Enfin, pour faire bonne mesure avec les origines, Une création sortie en 2003 : Nonalinians trio reggae/jazz à la source de la musique instrumentale jamaïcaine qui comporte 2 reprises, It’s a shame et Slipping into darkness et 4 compositions originales élaborées autour du concept du mouvement des pays non-alignés. Un projet sans égal en France (car aucune formation ne cultive l’héritage de Jackie Mittoo, Ernest Rangling ou Monthy Alexander) où les musiques jazz et reggae sont encore perçues, par des publics sectaires, comme étrangères l’une de l’autre.

Jean Bernard BASSACH, mai 2005.