Avec Stefania Meazza

Le livre l’atmosphère : “Météorologie populaire” de Camille Flammarion publié en 1888, renferme une gravure sur bois qu’on nomme communément la gravure au pèlerin. Dessus, un personnage voûté, à même le sol, portant un bâton de marche et une robe de clerc, semble avoir atteint le bout du monde, là où la terre se termine. Agenouillé, il soulève d’une main fébrile la voûte céleste qui recouvre la terre comme mise en cloche et observe, surpris, l’Empyrée prendre le feu sous les étoiles. Il est arrivé, nous dit la légende sous la gravure, à l’exact point où le ciel et la Terre se touchent. Combien de kilomètres a-t-il parcouru ? D’où vient-il ? Quelle rencontre a-t-il faite ? Quel climat supporté ? Obstacles vaincus ? Comment a-t-il éprouvé cette expérience ? En ressort-il grandit, modifié, digéré par l’effort, terrassé par la beauté ou éreinté par l’émotion ? Peut-on dire enfin qu’il a vu le bout du pays, où les nuages sont infinis ? Phrase oxymorique où finitude et infinitude se rejoignent et qui signe la nouvelle exposition du BBB – le centre d’art contemporain de Toulouse. 

Mais si le pèlerin de la gravure de Flammarion éprouva le territoire / dans sa pleine étymologie, la terre, du latin territorium / seul et éprouva même jusqu’à la fin de la terre – et le fit toujours seul / le BBB nous invite plutôt à éprouver collectivement le territoire – collectivement, nous, humains, mais également tout le vivant non-humain, animaux, végétaux, rivières, montagnes, genius loci, l’esprit du lieu, etcaetera. Pour en parler, j’ai le plaisir de recevoir Stefania Meazza, commissaire de l’exposition dont le titre exact est : “J’ai vu le bout du pays où les nuages sont infinis”.


Je terminerai cette émission avec quelques vers de Victor Hugo qui me reviennent régulièrement en tête, issus du chapitre “Bouche d’ombre de ces contemplations”. Des vers qui ont peut-être le défaut d’effacer les spécificités des genius loci régionaux en attribuant les bavardages du territoire à un seul et unique Dieu, mais des vers qui ont le mérite de rendre la parole à ce qui nous entoure, ce que l’on habite et vers quoi l’on oublie trop souvent de tendre l’oreille :
Crois-tu que la nature énorme balbutie,
Et que Dieu se serait, dans son immensité,
Donné pour tout plaisir, pendant l’éternité,
D’entendre bégayer une sourde-muette ?
Non, l’abîme est un prêtre et l’ombre est un poète ;
Non, tout est une voix et tout est un parfum ;
Tout dit dans l’infini quelque chose à quelqu’un ;
Une pensée emplit le tumulte superbe.
Dieu n’a pas fait un bruit sans y mêler le verbe.
Tout, comme toi, gémit ou chante comme moi ;
Tout parle. Et maintenant, homme, sais-tu pourquoi ;
Tout parle ? Écoute bien. C’est que vents, ondes, flammes,
Arbres, roseaux, rochers, tout vit !

Merci Stefania Meazza pour votre présence dans le studio de Campus FM.


– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.

Plus d’infos :
www.lebbb.org/