Avec Charlie et Jade

En 1950, Christine Jorgensen fera l’objet d’une explosion médiatique aux États-Unis et à l’international, première personne à faire l’expérience médicale d’une réassignation de sexe, de certain.es diront qu’elle est la première femme trans de l’histoire. Mickaela Danjé dans l’anthologie Afro trans démontre comment la vie de Christine Jorgensen a été récupérée par les médias et l’industrie médicale comme modèle d’exemplarité – forme de transidentité publicitaire qui vise à glorifier les progrès techniques de la modernité occidentale et du capitalisme. Finalement, le système médical en s’emparant des transidentités, va continuer d’asseoir son emprise sur les corps et jouir de leur vulnérabilité. Mickaela Danjé nous rappelle que les transidentités ne sont pas le fait d’une modernité et ne sont pas le fait de la blanchité non plus – elles ont toujours existé et sous bien d’autres noms. Le colonialisme a seulement effectué son lent et long lissage et polissage – son génocide. Le constat est amer, après avoir exterminé, évincé, gommé les personnes aux expressions de genre dissidentes pour l’ordre moral chrétien et qui ne collaient pas à la binarité homme/femme, l’occident a réussi des siècles plus tard à faire croire que la transidentité constituait son actualité. L’histoire nous raconte que la transidentité est un fait historique et daté, aux manifestations multiples et diverses et que la transphobie, prégnante dans notre société, est inscrite dans notre passé colonial. Oui, c’est bien de transidentité dont nous allons parler ce midi et de lutte contre la transphobie avec l’association toulousaine Clar-T. Et pour ce faire, j’ai le plaisir d’accueillir Charlie et Jade.


L’auteurice du célèbre Stone Butch Blues – biographie fictive d’une butch New Yorkaise dans les années 50 – œuvre dans ses textes tant viscéraux que pamphlétaires et toujours dans une langue accessible et tiré de son vécu personnel, à visibiliser les récits des personnes trans. La militance gorgée d’espoir qui pulse dans sa langue ne cesse de questionner la binarité de genre et de dénoncer la violence de l’état, la justice, la police ou les institutions médicales. Ce qui est particulièrement émancipateur avec Leslie Feinberg, c’est sa façon d’ouvrir les signifiant du mot trans – de le rendre accueillant et hospitalier. Qu’il puisse regrouper différentes définitions d’un soi trans, des stones butchs au cross-gender, des bull-dagers au gender-blenders, aux genders fuckers, androgynes ou personnes non-binaire. Cette diversité témoigne d’une réalité multiples de vécus et de ressentis que Leslie Feinberg ne cessera de saluer. L’auteurice du moins connu et non traduit “Transgender Warriors” écrira : “Pour beaucoup d’entre nous, les mots femme et homme, m’dame ou m’sieur, elle ou il – en eux-mêmes comme d’eux-mêmes – ne complètent pas la somme de nos identités, ni celle de nos oppressions. Pour ce qui est de moi, ma vie ne devient visible que lorsqu’on ajoute à l’équation le mot transgenre”. Merci Charlie, merci Jade pour votre présence dans le studio.