Avec Constance Charvis et Marion Luc

Chèr.e.s auditeurices, si vous doutiez de mon engagement et mon professionnalisme, laissez-moi vous raconter avec quel dévouement, je m’engage corps et âme dans la préparation de mes émissions, au point de partir faire une analyse de terrain un mardi soir pluvieux et frileux. Aurais-je dû lire dans la réverbération fiévreuse du trottoir ou dans la rotondité lactescente de la lune, le présage de la débâcle ? Il n’en fut rien et une fois mon vélo enfourché, j’ai roulé droit à ma perte jusqu’au 18 avenue Étienne Billières. Il n’a pas fallu chercher longtemps de l’œil la devanture puisque la terrasse dégueulait de corps jusque dans la ruelle adjacente. J’étais arrivée à ma destination et je suis entrée dans l’antre de La Gougnotte – qui n’est rien moins dans un Français vulgaire, argotique et usité, qu’un synonyme de Lesbienne ! Une pinte d’ambrée en entrainant une autre, j’ai donc donné de ma personne pour prendre la température du lieu comme on dit – et quelle température ! Que dire si ce n’est qu’il n’y a rien de mieux que faire la queue pour les toilettes avec du Britney Spears dans les oreilles avant de retourner prendre un bain d’adelphes, de retrouver la foule, d’y reconnaître partout les signes de la queerness, de se sentir profondément à l’aise et en sécurité. Je suis repartie le cœur illuminé en pensant à combien il serait dur de me lever ce matin pour écrire cet édito et en me demandant également combien de futur révolutions, de projets et de discussions se monterait à La Gougnotte, combien d’ivresse, de joie et de salive seraient échangées sur sa terrasse et entre ses murs.

Ne vous inquiétez pas chèr.e.s auditeurices, toutes vos interrogations vont être levées ce midi sur la teneur de ce nouveau bar, dont l’ouverture, si tu ne l’as pas compris, se faisait hier soir. Pour en parler, j’ai bien sûr le plaisir de recevoir les deux personnes à l’origine de La Gougnotte, Constance Charvis et Marion Luc. Bonjour.


Moins parisien et plus inclusif que La Mutinerie ; moins fictif et plus militant que le Planet, à trop l’attendre, nous avions fini par ne plus y croire et pourtant, la voilà, La Gougnotte, ses tireuses à l’affût et ses futs prêts à être tirés. Beaucoup de mouvements de luttes, de mouvements sociaux, de mouvements de rue, ont trouvé leur essor entre les murs d’un bar, autour d’une table humide qu’épongent les manches des vestes en jean et des vestes en cuir. Ne dit-on pas – refaire le monde ? C’est qu’il faut pour inventer de futurs possibles, de nouvelles utopies, pour hydrater la révolte, des lieux de rencontre, de partage, de communion et c’est dans les bars et les pubs depuis toujours qu’après le travail, on vient sociabiliser, se mélanger, se rencontrer et s’attabler pour le refaire ce vieux monde. Reste qu’un bar ce n’est pas tout le temps, voire plutôt pas souvent, inclusif, safe et bienveillant, qu’il arrive bien trop souvent de se faire envoyer paître après avoir dénoncé une agression ou de se faire accoster par un indésirable passablement ivre et beaucoup trop familier. Parce que les bars, il faut le dire, ça a longtemps été LE lieu réserver des hommes – et qu’il était impensable que le sexe faible est quelque chose à dire sur la marche du monde. C’est pourquoi, il est important, nécessaire et salutaire, de monter des projets similaires à La Gougnotte, où les qui avaient depuis longtemps déserté les terrasses et les bars faute de se sentir à leur place, puissent retrouver un sentiment de familiarité dans un lieu situé et militant. Merci Constance, merci Marion d’être venues dans le studio de Campus FM en ce lendemain d’ouverture. Et merci pour votre beau projet. 

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


– Alice Baylac
dans La Midinale, saison 2021-2022.